Notes de la réalisatrice Mila Turajlić
"Je suis née en 1979, j’avais 1 an quand Tito est mort et 11 ans quand Milosevic est arrivé au pouvoir, 12 ans quand la guerre en ex-Yougoslavie a commencé, 16 quand elle s’est achevée, 20 ans quand l'OTAN nous a bombardés, 21 quand nous nous sommes finalement débarrassés de Miloševic, 24 lorsque notre Premier Ministre a été assassiné, et aujourd'hui, à l'âge mûr de 39 ans, je veux parler de mon pays, d'un point de vue très personnel, et d'un point de départ très précis - l'endroit où je vis.
J’ai cherché à restituer le passé à partir d’images d’archives et de souvenirs de ma mère et d’en faire commentaire personnel sur sept décennies d'histoire mouvementée. Les archives de guerres dans les Balkans des années 90 sont fortes et puissamment dérangeantes, et le film les utilise avec parcimonie. Au contraire, il se concentre sur les voix de la raison qui n'ont pas été entendues. Les archives soulignent qu'à chaque étape de la montée du nationalisme, de l'éclatement de la guerre, de la répression brutale du régime et même de l'euphorie de la révolution, il y a eu des voix de la raison, qui se trouvèrent noyées dans l'hystérie. En retraçant l'histoire oubliée de la résistance pendant les années Milošević, la recherche d’archives nous a plongé dans des collections VHS personnelles, récupérant ainsi des images qui avait disparues depuis.
À travers les observations de ma mère, les allées et venues quotidiennes dans l'appartement, les images de vie dans la rue comme celles vues depuis les fenêtres, avec l'utilisation contrastée d'archives de reportages TV « officiels », j’ai la volonté de montrer une Serbie rarement vue dans les médias, celle où les gens sont sincères à propos de leur vie et essayent de créer une identité au-delà de celle des divisions politiques. En montrant les vérités vécues de ceux dont la vie personnelle a été façonnée par des événements politiques, il émerge de L’Envers d’une histoire un récit dans lequel tout le monde est à la merci des grandes marées de l'histoire, et pourtant, avec le pouvoir de prendre son destin entre ses propres mains.
Un défi pour la prochaine génération."